Mon quotidien de Médecin Généraliste est de recevoir des patients, chacun porteur d’une réalité particulière problématique sur le plan de la santé ou syndrome pathologique et d’une demande d’aide  associée.

Notre culture socio médicale étant ce qu’elle est, cette rencontre  patient  médecin est essentiellement centrée sur l’élaboration d’un diagnostic dans le but d’apporter un traitement visant à soulager le patient. La thérapeutique est le plus souvent médicamenteuse et lorsqu’il y a préconisation de psychothérapie, celle-ci va le plus souvent se faire chez un psychiatre ou un psychothérapeute… La dimension émotionnelle, affective, psychique est ainsi relativement peu considérée, voire niée, banalisée, ou parfois reléguée aux spécialistes de la psychosomatique.

En ce qui me concerne, j’ai fait le choix d’apprendre et d’exercer du côté de la thérapeutique médicamenteuse homéopathique, ceci en raison du caractère dénué d’effets dits secondaires de l’ homéopathie, tout en prescrivant bien sûr les remèdes dits allopathiques lorsque c’est nécessaire.( Au passage, il est reconnu aujourd’hui l’intérêt et l’efficacité de l’homéopathie pour atténuer les effets secondaires des chimiothérapies. )

J’ai également fait le choix de me former à l’écoute et à diverses pratiques psychothérapeutiques y associant des formations universitaires telles que des DU de psychologie médicale,  de psychosomatique, DU de la famille, DU d’hypnose médicale, ainsi que la sophrologie et la méditation.

Progressivement au fil des années passées une démarche préventive a été nationalement instaurée, souvent à base d’examens dits complémentaires pour détecter une maladie au début de son évolution, parfois sous forme de préconisations, fruits des connaissances acquises en matière de physiologie et de physiopathologie :

  • Marcher fait du bien autant au niveau du système cardiovasculaire que du système endocrinien …
  • Fumer altère les bronches et peut être un facteur de cancérisation,
  • Manger trop sucré, trop gras et trop salé nuit à la santé,
  • Les bruits trop importants altèrent l’audition.

Cette prévention se fait sous forme didactique, au risque de devenir dogmatique. Que penser des Personnes de 80 ans fumeuses qui n’ont pas développé de cancer, des Personnes qui ont trouvé un certain équilibre avec le tabac, l’alcool, une alimentation sucrée, des jeunes qui, envers et contre tout, et tous, écoutent de la musique « bien » trop fort ? Que fait-on du fait psychologique de la résistance intrinsèque de l’être humain à être éduqué et/ou dirigé ? Notre parcours de médecin nous montre chaque jour que les services de diabétologie sont remplis de Personnes qui continuent à manger trop riche, ceci malgré les recommandations les plus élaborées et convaincantes. S’agit-il de les condamner, de les juger ? N’y a-t-il pas tout un vécu qui n’est pas entendu, écouté, exploré ?

Est-ce le besoin de se valoriser absolument au travers d’un résultat qui nous serait dû ? Est-ce une réponse caricaturalement défensive face aux doutes et aux peurs de la maladie et de la mort ? Est-ce le déni face à l’échec et la rencontre de nos limites ? Le monde médical a pris l’étonnante habitude de ne retenir comme vrai que les améliorations qui passent par ses propres traitements et de nier les guérisons dues à d’autres recours que ceux de ses propres outils.

Et pourtant, la simple observation nous enseigne que les plaies modérées finissent la plus part du temps par cicatriser « toutes seules », qu’un certain nombre de maladies virales guérissent sans traitement médicamenteux, qu’une hépatite peut régresser sans séquelle, que la prostate des hommes de 60 ans comporte généralement des cellules cancéreuses qui n’évoluent pas

L’observation nous montre également que le fait d’écouter les plaintes d’une Personne, de favoriser l’expression de ses larmes, est facteur d’un certain apaisement avec disparition d’une certaine partie des signes, dits fonctionnels, associés. L’observation nous montre qu’un environnement affectueux et bienveillant favorise la cicatrisation des plaies et la guérison de certaines maladies, et qu’inversement un climat de stress ralentit la cicatrisation, entraîne des angoisses, de l’insomnie, la majoration des douleurs, voire des lésions organiques.

L’expérience nous enseigne aussi que certaines Personnes cachent une partie de leur vécu tel qu’elles ont subi précédemment  des commentaires inappropriés, désobligeants voire nociceptifs : telle Personne, ayant consulté pour un tableau douloureux intriqué, mêlant douleur organique et souffrance psychique au travail, s’est entendu dire par le médecin consulté : « c’est dans la tête, c’est psychologique » ! et ceci sans aucun autre accompagnement. Cette Personne repartira de la consultation avec une ordonnance, et c’est de la prise de médicaments que patient et médecin attendront la « guérison ». Bien souvent, il y aura effectivement une certaine amélioration mais toute une partie du vécu qui n’aura pas été pris en considération continuera d’évoluer et la Personne gardera sa problématique personnelle, présente, bloquée et verrouillée à l’intérieur d’elle-même.

Une autre Personne « raconte » qu’au terme d’un bilan approfondi pour un syndrome douloureux abdominal, elle s’est entendu dire par le médecin consulté : « Vous n’avez rien », sans qu’ait été précisé la signification du rien, à savoir« rien d’organique et de grave ». Et pourtant, elle a bien mal…..

À l’inverse, certains patients nous signifient régulièrement combien ils sont doués et riches de ressources et de capacités, ces ressources et capacités qui participent effectivement de régler certains problèmes en totalité ou en partie. Au-delà de leurs doutes ou de leurs peurs d’être jugés, ils vont parfois oser en parler. Ils sont alors nos propres enseignants. Ceci participe d’une nouvelle et complémentaire physiopathologie…..Celle de la guérison par des voies intrinsèques qui, si certaines resteront empruntes de mystères aux yeux de la science, sont pourtant bien réelles et observées.

Après plus de 40 ans d’exercice de la médecine, je pense très sincèrement qu’ il est bon de laisser évoluer les contenus de nos croyances, autrement dit de déceler nos préjugés et de s’ouvrir sans cesse aux enseignements donnés par notre environnement, notre propre pratique et l’écoute de nos patients et ce qu’ils nous apportent chaque jour.